Pourquoi les Mursi portent-elles ces plateaux ?

Les Mursi sont des bergers semi-nomades, vivant au sud de l’Éthiopie, en périphérie ouest du Parc National de Mago, dans la vallée de la rivière Omo. Menacés en permanence par les tribus voisines, les Mursi sont considérés comme de guerriers redoutables qui doivent protéger leurs terres ainsi que leur peuple contre les vols de bétail et les razzias de leurs femmes par l’esclavage. 

D’ailleurs ce serait pour protéger leurs femmes contre les enlèvements esclavagistes, qu’ils auraient décidé de les enlaidir avec des plateaux austères. Ce qui devient une tradition où seuls les hommes Mursi seraient capables d’apprécier la beauté de leurs propres femmes.

 

Le labret, du latin labrum, lèvre, est donc ce plateau labial en terre cuite qu’elles arborent. Et ces femmes parées d’un tel bijou, sont surnommées « les femmes plateau ».

Un rituel est réalisé quelques mois avant l’âge de se marier, vers l’âge de seize ans, lors d’une cérémonie d’initiation.

Une petite incision de 1 à 2 cm de longueur est faite avec une épine d dans la lèvre inférieure, généralement effectuée par les mères, puis un petit bout de bois est inséré dans la fente pendant environ 3 semaines, le temps qu’elle cicatrise. La cheville est alors remplacée par une autre légèrement plus grande, qui va ainsi étirer la lèvre, puis une encore plus grande jusqu’à ce que la lèvre ait un trou d’environ 4 cm. Elle est alors prête à accueillir son premier petit plateau en argile cuit. C’est ainsi que les plateaux sont également relayés par des formats de plus en plus grands. Pour recevoir ce labret, on enlève à la jeune fille les incisives inférieures, deux voire quatre dents.

Une fois initiée, chaque fille fabrique ses propres plaques à lèvres et les décore à sa guise. Le processus prend plusieurs mois et voit la lèvre s’étirer entre 10 et 20, voire 25 centimètres de diamètre.

 

En public, les dames arborent toujours leurs labrets pour l’honneur. Quand elles servent leurs maris, elles restent vêtues de cet accessoire, surtout lorsque ceux-ci sont en compagnie d’autres hommes. En cas de deuil, elles enlèvent la parure, jusqu’à ce que la famille du défunt leur permette de la remettre. Elles la retirent lorsqu’elles sont entre elles ou avec les enfants, surtout pour manger et pour dormir, parce que le labret rend difficiles les mouvements des lèvres.

  

Il s’agirait donc d’une stratégie de guerre devenue un symbole de beauté mais également de prestige, car plus la femme a une place importante au sein de la tribu, plus son plateau est grand et joliment gravé.

 

Considéré comme un art corporel, ce signe qui distingue clairement les femmes Mursi des autres peuplades des bords de l’Omo, attire beaucoup de curieux du monde entier. Pour les rencontrer, il faut faire un périple d’environ 10 heures depuis Addis-Abeba en passant par la ville de Jinka. Paradoxalement le tourisme contribue malgré tout à conserver cette pratique menacée par la modernité et les programmes d’intégration de l’état en majorité musulman. Le fait que les Mursi de tradition animiste gagnent de l’argent en posant pour leurs visiteurs, leur donne une forte motivation pour ne rien changer à cette source de revenus. Mais les nouvelles générations sont de plus en plus libres de ne pas suivre les pas de leurs aînés.

 

 

 

 

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